Accueil mitigé de la production française à la Mostra de Venise, doyenne à l’avenir incertain

Si Carnage de Roman Polanski, très bien reçu sur la Lagune, a longtemps fait figure de favori de la dernière Mostra avant que le Faust d’Alexandre Sokourov ne rafle finalement le Lion d’or, les autres nombreuses productions et coproductions françaises dévoilées à Venise ont reçu un accueil plus mitigé. C’est notamment le cas des deux autres films en compétition, Un été brulant de Philippe Garrel, d’autant plus attendu qu’après le Lion d’argent en 2005 pour Les Amants réguliers son nouveau film comptait l’italienne Monica Bellucci dans sa distribution, et Poulet aux prunes de Marjane Sartrapi et Vincent Paronnaud, dont on en attendait peut-être trop après l’effet de surprise de Persepolis. Comme l’an dernier avec Angèle et Tony d’Alix Delaporte, c’est du côté des sections parallèles que sont venues les bonnes surprises françaises, à commencer par Louise Wimmer de Cyril Mennegun, portrait de femme à la dérive qui a marqué les esprits.


Magnifiquement interprété par Corinne Masiero, le film était présenté dans le cadre de la Semaine de la Critique, comme La terre outragée de Michele Boganim, touchant retour sur la catastrophe de Tchernobyl inspiré du quotidien des riverains de la centrale, et Présumé coupable de Vincent Garenq, déjà dans les salles françaises et récompensé à Venise du label Europa Cinemas. Aux Journées des auteurs, la sélection française était là aussi très variée avec Love and Bruises du chinois Lou Ye, brillant exercice de style un peu vain mais qui offre le mérite de s’ancrer dans un Paris populaire très éloigné des clichés sur la capitale, Toutes nos envies de Philippe Lioret, qui poursuit sa collaboration avec Vincent Lindon après le succès de Welcome, sans oublier Edut (Testimony) de Shlomi Elkabetz, dont l’engagement et la simplicité du dispositif (des témoignages de palestiniens interprétés frontalement par des comédiens israéliens comme Roni Elkabetz, sœur du réalisateur) ont favorablement impressionné. Dans la section Orrizonti, plus ou moins l’équivalent d’Un certain Regard à Cannes, on trouvait notamment Photographic Memory du cinéaste américain Ross McElwee dans lequel cette figure du documentaire indépendant dresse un parallèle intime entre la situation de son fils aujourd’hui et son séjour en France il y a une quarantaine d’années. Ce bref panorama ne saurait oublier, en sélection officielle mais hors compétition, La désintégration de Philippe Faucon.  

Au final, la production française cette année à Venise était dense et variée mais en demi-teinte, à l’image peut-être d’une Mostra qui, après un excellent cru 2010, semblait marquer le pas faute de certitudes quant à son avenir sur fond de crise budgétaire et politique en Italie. Car si, en dépit du poids grandissant de Toronto, Marco Müller a réussi pour sa dernière année de mandat  à concilier grands noms (Polanski, Cronenberg, Soderbergh, Sokourov Friedkin, Clooney,…), nombreux premiers films et fortes présences anglo-saxonnes et asiatiques, de nombreuses incertitudes demeurent quant à l’avenir de la doyenne des manifestations cinématographiques. C’est particulièrement criant du côté des infrastructures du Lido où le lifting bienvenu de l’historique palais du cinéma, joliment restauré dans l’esprit des années 30 qui l’ont vu naître, n’a pas suffi à occulter l’immense gâchis que constitue l’abandon du projet de nouveau palais après près de 40 millions d’euros de dépenses pour ses fondations jamais achevées.

AL/09/11