Le Festival Théâtres au Cinéma : Vers un autre «Procès de Bobigny » ?…
«Trop élitiste, troppatrimonial, asséché et trop éloigné de la politique des publics du département », ainsi ont qualifié,le festival «Théâtres au Cinéma », nos interlocuteurs du Conseil Généralde la Seine-Saint-Denis, un de nos partenaires historiques, pour accompagnerleur décision de ne plus soutenir notre festival. Ainsi, il auradonc fallu attendre presque un quart de siècle d’existence pour que cettesentence tombe, tel un couperet ! Estimant que le festival a assezvécu et qu’il « vaut mieux penser à une autre manifestation car « attention de ne pas s’engager sur des cycleséternels ». 24 ans, c’est une belle vie !
Et en guise d’estocade finale, l’argument qui, sans doute, sevoudrait ultime : « Un festivalen 2013 ne correspond plus aux attentes du public ». Et aussitôt nouspensons à ces jeunes de Bobigny et de tout le département qui avaient, au termed’un travail en atelier, offert un des spectacles les plus prenants que «Théâtresau cinéma » ait engendré : «Kafkachez les rappeurs », au cours duquel de jeunes talents, unecinquantaine, en hip et hop et en rap ont été révélés au public !
Fait étrange, le Conseil général n’a pas attendu le bilan 2013du 24e festival (et qu’il nous avait pourtant commandé) pour prendre unedécision aussi injuste qu’inique. A nos yeux, du moins, mais pour ceux qui ontencore en mémoire, les promesses de la campagne présidentielle, de permettreaux zones précarisées par la crise, d’avoir accès à ce droit élémentaire :la culture ! Pourtant quelle belleédition que celle de 2013 qui, grâce à Philippe Garrel, BernadetteLafont , Luis Rego, Jean-Pierre Léaud, a permis de faire venir dans nossalles un public dont la jeunesse a été relevée par tous lesparticipants !
Bobigny a été une destination, 24 années durant,d’artistes illustres que les balbyniens, entre autres, ont eu le plaisir de croiser.Des créateurs qui sont venus parler de leur art : Peter Brook, invitécardinal du 1er festival, Manoël de Oliveira, Harold Pinter, AndrzejWajda, Théo Angelopoulos, Margarethe VonTrotta, Patrice Chéreau, Alain Robbe-Grillet, Raoul Ruiz, Alain Tanner, MarcoBellocchio, Barbet Schroeder, etc.
Et aussi toutes ces comédiennes et tous cescomédiens : Jeanne Moreau, ClaudiaCardinale, Hanna Schygulla, Aurore Clément, Laurent Terzieff, Sami Frey, OmarSharif, Michel Piccoli, Bulle Ogier et tous les autres (la liste estbien longue) qui sont venus rencontrer le public, à Bobigny. Sans parler des rencontres avec les écrivains, comme celles, mémorables, avec Harold Pinter et John Berger.
Aucune considération, non plus, pour l’ouvrageédité, chaque année, sur le réalisateur choisi. Un livrequi rencontre un large plébiscite. Et que nombre de bibliothèques (en France,en Europe, mais aussi un peu partout dans le reste du monde), sans parler desjournalistes n’ont jamais manqué d’en souligner la haute tenue. D’en faire uneréférence !
Le Conseil Général affirme refonder sa politique cinématographique « en s’appuyant sur des acquis historiques,avec des salles de cinéma qualifiées, avec une politique des publics plus importante et des réseauxplus ambitieux ». C’était du moins l’essentielde son intention électorale. Mais qui risque de n’être qu’«électoraliste »,sans plus ! Un amer constat, qu’impose ce véritable fait du Prince, àl’encontre du Magic et qui écarte, ainsi, d’emblée, un cinéma classé « Art& Essai, Recherche, Patrimoine et Jeune Public », qui s’est évertué,sans compter, à créer et organiser chaque année, et avec passion, ce festival !
De même, cela pourrait s’apparenter à l’expression d’unecertaine forme de mépris à l’endroit des citoyens de la Seine-Saint-Denis,qui ne seraient pas à même d’apprécier un programme ambitieux, exigeant quifait découvrir à chaque festival un pan de la cinématographie mondiale. Et pourlequel ils ont manifesté une adhésion sans cesse croissante. Cela a,apparemment, échappé à la sagacité de ceux qui ont décrété « élitiste» ce festival qu’ils n’ont pas forcémentcôtoyé, comme leurs charges le leur dicteraient, histoire de vérifier commentsont utilisés les deniers publics ! Ils auraient pu, pourtant, relever laprésence, sans cesse croissante, du public du Département …Et de toutesconditions. Et même des plus défavorisées, à l’image de ces SDF, quidissimulaient leurs effets dans les fourrés avoisinants et de se glisserdiscrètement dans les salles du Magic Cinéma. Pendant plus de vingt ans, ceslaissés-pour-compte, ont tenus à payer leur place, histoire, sans doute, de nepas se sentir amoindris par rapport au reste du public. Ceux la même quidoivent, comme le reste de notre fidèle public, d’ailleurs, cet accès à laculture à la Ville de Bobigny, avec à ses côtés la Région et la DRACIle-de-France, qui apporte un soutien indéfectible au festival. Et bien sûr,jusqu’à la précédente édition, au Conseil Général. Sauf que maintenant, c’estcette même structure départementale qui risque, paradoxalement, de contribuer àla réduction drastique de ces moyens d’accès à la culture. Un droit qui n’estpas une faveur !
Aujourd’hui, l’heure est grave,c’est pour cela que nous sollicitons votre soutien, pour que le festival puisse,se poursuivre et souffler ses 25 bougies en accueillant la réalisatrice,Chantal Akerman, qui a, d’ores et déjà, répondu, avec enthousiasme, à notreinvitation pour la prochaine édition de «Théâtres au cinéma », en avril2014 !
L’Association Ciné-Festivals, Bobigny, 29 juin 2013